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XXII

Telles furent les journées de septembre. Les fosses de Clamart, les catacombes de la barrière Saint-Jacques, connurent seules le nombre des victimes. Les uns en comptèrent dix mille, les autres le réduisirent à deux ou trois mille. Mais le crime n’est pas dans le nombre, il est dans l’acte de ces assassinats. Une théorie barbare a voulu les justifier. Les théories qui révoltent la conscience ne sont que les paradoxes de l’esprit mis au service des aberrations du cœur. On veut se grandir en s’élevant, dans de soi-disant calculs d’hommes d’État, au-dessus des scrupules de la morale et des attendrissements de l’âme. On se croit ainsi au-dessus de l’homme. On se trompe, on est moins qu’un homme. Tout ce qui retranche à l’homme quelque chose de sa sensibilité lui retranche une partie de sa véritable grandeur. Tout ce qui nie sa véritable conscience lui enlève une partie de sa lumière. La lumière de l’homme est dans son esprit, mais elle est surtout dans sa conscience. Les systèmes trompent. Le sentiment seul est infaillible comme la nature. Contester la criminalité des journées de septembre, c’est s’inscrire en faux contre le sentiment du genre humain. C’est nier la nature, qui n’est que la morale dans l’instinct. Il n’y a rien dans l’homme de plus grand que l’humanité. Il n’est pas plus permis à un gouvernement qu’à un individu d’assassiner. La masse des victimes ne change pas le carac-