Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Hanriot, escroc et espion sous les rois, assassin et bourreau sous le peuple, à la tête d’une bande de vingt à trente hommes, dirigeait et exécutait le massacre de quatre-vingt-douze prêtres, au séminaire de Saint-Firmin. Les satellites d’Hanriot, poursuivant les prêtres dans les corridors et dans les cellules, les lançaient tout vivants par les fenêtres sur une herse de piques, de broches et de baïonnettes qui les perçaient dans leur chute. Des femmes, à qui les égorgeurs laissaient cette joie, les achevaient à coups de bûche, et les traînaient dans les ruisseaux. Il en fut de même au cloître des Bernardins.

Mais déjà les victimes manquaient dans Paris à la soif de sang allumée par ces quatre-vingt-douze heures de massacre. Les prisons étaient vides. Hanriot et les exécuteurs de ces meurtres, au nombre de plus de deux cents, renforcés par les scélérats qu’ils avaient recrutés dans les prisons, se portèrent à Bicêtre avec sept pièces de canon que la commune leur laissa impunément emmener.

Bicêtre, vaste égout où s’écoulait toute la boue du royaume pour purifier la population des fous, des mendiants et des criminels incorrigibles, contenait trois mille cinq cents détenus. Leur sang n’avait point de couleur politique ; mais, pur ou impur, c’était du sang de plus. Les égorgeurs forcèrent les portes de Bicêtre, enfoncèrent les cachots à coups de canon, arrachèrent les détenus et en firent une boucherie qui dura cinq jours et cinq nuits. L’eau, le fer et le feu servirent à exterminer ses habitants. Les uns furent inondés ou noyés dans les souterrains où ils avaient cherché un refuge, les autres hachés à coups de sabre, le reste mitraillé dans les cours. Coupables ou innocents, malades ou sains, vagabonds ou indigents, tout, jusqu’aux