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XVIII

L’attroupement reprit sa marche à travers les rues de Paris et s’arrêta sous les fenêtres du Palais-Royal pour montrer au duc d’Orléans la tête de sa belle-sœur, non comme une menace, mais comme un tribut. Le duc d’Orléans était à table avec madame de Buffon, sa nouvelle favorite, et quelques compagnons de ses plaisirs. Il n’osa pas refuser l’hommage d’un crime offert au nom du peuple par des assassins. Il se leva, se présenta au balcon et contempla quelques instants en silence la tête sanglante qu’on élevait jusqu’à lui. Madame de Buffon l’aperçut. « Dieu, s’écria-t-elle en joignant les mains et en se renversant en arrière, c’est donc ainsi qu’on portera bientôt ma propre tête dans les rues ! » Le duc referma la fenêtre et s’efforça de rassurer son amie. « Pauvre femme ! dit-il en parlant de la princesse, si elle m’avait cru, sa tête ne serait pas là ! » Puis il s’assit et resta silencieux et morne jusqu’à la fin du repas. Ses ennemis l’accusèrent d’avoir désigné cette tête au fer des assassins et d’avoir exigé qu’on la lui présentât pour assouvir sa vengeance et pour tranquilliser sa cupidité. Il voyait une ennemie dans l’amie de la reine, et il héritait, par la mort de madame de Lamballe, du douaire que les biens du duc de Penthièvre devaient à la veuve de son beau-frère. Ces imputations tombent devant la vérité. La vie de cette femme était indifférente à son ambition,