Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 11.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


XVI

Le duc de Penthièvre vivait retiré au château de Bizy en Normandie. L’amour du peuple y protégeait sa vieillesse. Il savait la captivité de sa belle-fille et les dangers qui menaçaient les prisons. Il veillait de loin sur ses jours. Un négociateur secret de sa maison, muni d’une somme de cent mille écus, s’était rendu par l’ordre du prince à Paris, et avait acheté d’un des principaux agents de la commune le salut de la princesse de Lamballe. D’autres agents inférieurs, domestiques ou familiers de la maison de Penthièvre, avaient été répandus dans Paris, chargés par le duc de lier amitié avec les hommes dangereux qui rôdaient autour des prisons, de s’insinuer dans leur confidence, d’épier le crime et de le prévenir en tentant la cupidité des assassins. Toutes ces mesures, dont le centre était l’hôtel de Toulouse, palais du duc, avaient réussi. À la commune, parmi les juges, parmi les exécuteurs, des yeux veillaient sur la princesse.

Elle parut une des dernières devant le tribunal. Elle avait été épargnée le jour et la nuit du 2 septembre, comme pour donner au peuple le temps de s’assouvir avant de lui dérober cette proie. Enfermée seule avec madame de Navarre, une de ses femmes, dans une chambre haute de la prison, elle entendait de là depuis quarante heures le tumulte du peuple, les coups des assommeurs, les gémisse-