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pressés dans le chœur autour de l’autel. Ceux qui étaient appelés recevaient de leurs frères le baiser de paix et les prières des agonisants. L’archevêque d’Arles fut désigné un des premiers. « C’est donc toi, lui dit un Marseillais, qui as fait couler le sang des patriotes d’Arles ! — Moi ! répondit l’archevêque, je n’ai fait de mal à qui que ce soit dans ma vie ! » À ces mots l’archevêque reçoit un coup de sabre au visage. Il reste impassible et debout. Il en reçoit un second qui couvre ses yeux d’un voile de sang. Au troisième il tombe en se soutenant sur la main gauche, sans proférer un gémissement. Le Marseillais le perce de sa pique, dont le bois se brise par la force du coup. Il foule aux pieds le corps de l’archevêque, lui arrache sa croix, et la montre comme un trophée à ses compagnons.

L’évêque de Beauvais embrasse l’autel jusqu’au dernier moment ; puis il marche vers la porte avec autant de calme et de majesté que dans les saintes cérémonies. Les jeunes prêtres le suivirent jusqu’au seuil, où il les bénit. Le confesseur du roi, Hébert, supérieur des Eudistes, consolateur de Louis XVI dans la nuit du 10 août, fut immolé ensuite. Chaque minute décimait les rangs dans le chœur. Il n’y avait plus que quelques prêtres assis ou agenouillés sur les degrés de l’autel. Bientôt il n’y en eut plus qu’un seul.

L’évêque de Saintes, qui avait eu la cuisse cassée dans le jardin, était couché sur un matelas dans une chapelle de la nef. Les gendarmes du poste entouraient sa couche et le cachaient aux yeux. Mieux armés et plus nombreux que les exécuteurs, ils auraient pu défendre leur dépôt. Ils assistèrent l’arme au bras au meurtre. Ils livrèrent l’évêque de Saintes comme les autres. « Je ne refuse pas de mourir