joie, riaient et montraient aux passants des lambeaux de chair humaine. Le sang rejaillissait sur leurs habits, sur leurs visages, sur leur pain. Ces bouches livides, hurlant la Marseillaise, déshonoraient le chant de l’héroïsme en l’associant à l’assassinat. Le peuple hâve qui suivait les roues répétait en chœur les refrains et dansait autour de ces chars comme autour des dépouilles triomphales du clergé et de l’aristocratie vaincus. Le petit nombre des assassins, le grand nombre des victimes, l’immensité du bâtiment, l’étendue du jardin, les murs, les arbres, les charmilles qui dérobaient aux balles les prêtres courant çà et là pour fuir la mort, ralentirent l’exécution. La nuit tombante allait les protéger de son ombre. Les exécuteurs formèrent une enceinte, comme dans une chasse aux bêtes fauves, autour du jardin. En se rapprochant pas à pas des bâtiments, ils forcèrent à coups de sabre tous les ecclésiastiques à se rabattre dans l’église. Ils les y renfermèrent. Pendant que cette battue s’opérait au dehors, une recherche générale dans la maison refoula de même dans l’église les prêtres échappés aux premières décharges. Les assassins rapportèrent sur leurs propres bras les prêtres blessés qui ne pouvaient marcher. Une fois parquées dans cette enceinte, les victimes, appelées une à une, furent entraînées par une petite porte qui ouvrait sur le jardin, et immolées sur l’escalier.
L’archevêque d’Arles, Dulau, le plus âgé et le plus vénéré de ces martyrs, les édifiait de son attitude et les encourageait de ses paroles. L’évêque de Beauvais et l’évêque de Saintes, deux frères de la maison de La Rochefoucauld, plus unis encore par le cœur que par le sang, s’embrassaient et se réjouissaient de mourir ensemble. Tous priaient