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costume, ni dans le langage, ni dans les armes. C’étaient des hommes jeunes, bien vêtus, armés de pistolets et de fusils de chasse. Cérat, jeune séide de Marat et de Danton, marchait à leur tête. On reconnaissait dans sa troupe quelques-uns des visages exaltés qu’on voyait habituellement aux tribunes du club des Cordeliers. Prétoriens de ces agitateurs, on les appelait, par allusion au couvent où se tenaient les séances, les frères rouges de Danton ; ils portaient le bonnet rouge, une cravate, un gilet, une ceinture rouges, symbole significatif pour accoutumer les yeux et la pensée à la couleur du sang. Les directeurs du massacre craignirent que l’ascendant du clergé sur le bas peuple ne fît reculer les égorgeurs devant des meurtres sacriléges. Ils recrutèrent, dans les écoles, dans les lieux de débauche et dans les clubs, des exécuteurs volontaires au-dessus de ces scrupules, et que la haine poussait d’eux-mêmes à l’assassinat des prêtres. Des coups de fusil tirés dans les cloîtres et dans les jardins sur quelques vieillards qui s’y promenaient furent le signal du massacre. De cloître en cloître, de cellule en cellule, d’arbre en arbre, les fugitifs tombaient blessés ou morts sous les balles. On faisait rouler sur les escaliers, on jetait par les fenêtres, les cadavres de ceux qui avaient succombé à la décharge.

Des hordes hideuses d’hommes en haillons, de femmes, d’enfants, attirées de ces quartiers de misère par le bruit de la fusillade, se pressaient aux portes. On les ouvrait de temps en temps, pour laisser sortir des tombereaux attelés de chevaux magnifiques, pris dans les écuries du roi. Ces chariots fendaient lentement la foule, laissant derrière eux une longue trace de sang. Sur ces piles de cadavres ambulantes, des femmes, des enfants assis, trépignant de