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fumée suffoqua le blessé. Il tomba sur la paille en feu. On l’emporta, mutilé, brûlé, évanoui, presque mort, dans la rue. Là on le coucha dans le sang, et on délibéra devant lui de quelle mort on le ferait mourir. L’infortuné jeune homme, revenu à lui, resta près d’un quart d’heure sur ce lit de cadavres, en attendant que les égorgeurs eussent trouvé et chargé des armes à feu. Ils eurent enfin pitié du supplice de cet enfant, et l’achevèrent de cinq coups de pistolet tirés à la fois dans la poitrine.

Il ne restait plus qu’un prisonnier à l’Abbaye. C’était M. de Saint-Marc, colonel d’un régiment de cavalerie. Des assassins convinrent entre eux de prolonger son martyre, pour que tous eussent leur part dans ses tourments et dans sa mort. Ils le firent promener lentement à travers une haie de sabres dont ils ménageaient les coups, de peur de l’achever trop vite. Ils le percèrent ensuite d’une lance qui lui traversait le corps. Ils le forcèrent à marcher ainsi sur les genoux, imitant et raillant les contorsions que lui arrachaient ces tortures. Quand il ne put plus se soutenir, ils lui hachèrent les mains, le visage, les membres de coups de sabre, et l’achevèrent enfin de six balles dans la tête. Voilà quels hommes se cachent dans ces gouffres de civilisation recouverts de tant de luxe et de tant de lumières. Il y a des Nérons à tous les degrés, depuis le trône jusqu’à l’échoppe, raffinés en haut, brutes en bas. Le goût du sang est la première et la dernière corruption de l’homme.

Quelques actes inexplicables ou consolants étonnent toutefois dans ces horreurs. La compassion de Maillard parut chercher des innocents avec autant de soin que sa vengeance cherchait des coupables. Il épargna tous ceux qui lui fournirent un prétexte de les sauver. Soit qu’il considé-