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chets intérieurs étaient fermés sur eux. L’ordre venait de leur être transmis de rentrer chacun dans leur salle comme pour un appel.


VIII

Or, voici le spectacle qu’on leur cachait. Le dernier guichet qui ouvrait sur la cour avait été transformé en tribunal. Autour d’une vaste table couverte de papiers, d’écritoires, des livres d’écrou de la prison, de verres, de bouteilles, de pistolets, de sabres, de pipes, étaient assis sur des bancs douze juges aux figures ternes, aux épaules athlétiques, caractère des hommes de peine, de débauche ou de sang. Leur costume était celui des professions laborieuses du peuple : des bonnets de laine sur la tête, des vestes, des souliers ferrés, des tabliers de toile comme ceux des bouchers. Quelques-uns avaient ôté leurs habits. Les manches de leur chemise retroussées jusqu’aux coudes laissaient voir des bras musculeux et une peau tatouée des symboles de divers métiers. Deux ou trois, aux formes plus grêles, aux mains plus blanches, à l’expression de figure plus intellectuelle, trahissaient des hommes de pensée, mêlés à dessein à ces hommes d’action pour les diriger. Un homme en habit gris, le sabre au côté, la plume à la main, d’une physionomie inflexible et comme pétrifiée, était assis au centre de la table et présidait ce tribunal. C’était l’huissier Maillard, l’idole des rassemblements du faubourg Saint--