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fiance pour donner à Marie-Antoinette les conseils dont l’émotion de ses traits et de sa voix attestait assez la sincérité. « Croyez-moi, madame, je n’ai aucun intérêt à vous tromper, j’abhorre autant que vous l’anarchie et ses crimes ; mais j’ai de l’expérience, je vis au milieu des partis, je suis mêlé aux opinions, je touche au peuple, je suis mieux placé que Votre Majesté pour juger la portée et la direction des événements. Ceci n’est pas un mouvement populaire comme vous semblez le croire, c’est l’insurrection presque unanime d’une grande nation contre un ordre de choses invétéré et en décadence. De grandes factions attisent l’incendie, il y a dans toutes des scélérats et des fous. Je ne vois, moi, dans la Révolution, que le roi et la nation. Ce qui tend à les séparer les perd tous les deux. Je veux les réunir. C’est à vous de m’aider. Si je suis un obstacle à vos desseins et si vous y persistez, dites-le-moi, à l’instant je me retire et je vais dans la retraite gémir sur le sort de ma patrie et sur le vôtre. » La reine fut attendrie et convaincue. La franchise de Dumouriez lui plut et l’entraîna. Ce cœur de soldat lui répondait des paroles de l’homme d’État. Ferme, brave, héroïque, elle aimait mieux cette épée dans le conseil du roi que ces politiques et ces orateurs à langue dorée, mais pliant à tous les vents de l’opinion ou de la sédition. Une confiance intime s’établit entre la reine et le général.

La reine fut fidèle quelque temps à ses promesses. Les outrages répétés du peuple la rejetèrent malgré elle dans la colère et dans la conspiration. « Voyez ! disait-elle un jour au roi devant Dumouriez en montrant de la main la cime des arbres des Tuileries ; prisonnière dans ce palais, je n’ose me mettre à ma fenêtre du côté du jardin. La foule,