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XI

Un tel langage ébranlait Roland. Brissot, Condorcet, Vergniaud, Gensonné, Guadet, Buzot surtout, ami et confident plus intime de madame Roland, fortifiaient dans les réunions du soir la défiance du ministre. Il s’armait dans leurs entretiens de nouveaux ombrages. Il entrait au conseil avec un sourcil plus froncé et un stoïcisme plus implacable ; le roi le désarmait par sa franchise, Dumouriez le décourageait par sa gaieté, le pouvoir l’amollissait par son prestige. Il atermoyait avec les deux grandes difficultés du moment, la double sanction à obtenir du roi pour les décrets qui répugnaient le plus à son cœur et à sa conscience, le décret contre les émigrés et le décret contre les prêtres non assermentés ; enfin il atermoyait avec la guerre.

Pendant cette tergiversation de Roland et de ses collègues, Dumouriez s’emparait du roi et de la faveur publique, tant le secret de sa conduite était dans le mot qu’il avait dit peu de temps auparavant à M. de Montmorin dans une conférence secrète avec ce ministre : « Si j’étais roi de France, je déjouerais tous les partis en me plaçant à la tête de la Révolution. »

Ce mot contenait la seule politique qui pût sauver Louis XVI. Dans un temps de révolution, tout roi qui n’est pas révolutionnaire est inévitablement écrasé entre les deux partis ; un roi neutre ne règne plus, un roi pardonné abaisse