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vaincre de sa possibilité. Entre nos mains le roi peut la servir mieux qu’aucun autre citoyen du royaume ; en éclairant ce prince nous pouvons être fidèles à la fois à ses vrais intérêts et à ceux de la nation : il faut que le roi et la Révolution ne fassent qu’un en nous. »


X

Ainsi parlait Roland dans le premier éblouissement du pouvoir : sa femme l’écoutait, le sourire de l’incrédulité sur les lèvres ; son regard plus ferme avait mesuré du premier coup d’œil une carrière plus vaste et un but plus décisif que cette transaction timide et transitoire entre une royauté dégradée et une révolution incomplète. Il lui en aurait trop coûté de renoncer à l’idéal de son âme ardente : tous ses vœux tendaient à la république ; tous ses actes, toutes ses paroles, tous ses soupirs devaient à son insu y pousser son mari et ses amis.

« Défie-toi de la perfidie de tous et surtout de ta propre vertu, répondait-elle au faible et orgueilleux Roland ; tu vis dans ce monde des cours où tout n’est qu’apparence, et où les surfaces les plus polies cachent les combinaisons les plus sinistres. Tu n’es qu’un bourgeois honnête égaré parmi ces courtisans, une vertu en péril au milieu de tous ces vices ; ils parlent notre langue et nous ne savons pas la leur : comment ne nous tromperaient-ils pas ? Louis XVI, d’une race abâtardie, sans élévation dans l’esprit, sans énergie dans la