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la plus belle vertu de ce sexe, la pitié. Il ne savait pas résister aux larmes : celles de la reine en auraient fait un séide du trône ; il n’y avait pas de fortune ou d’opinion qu’il n’eût sacrifiée à un mouvement de générosité : sa grandeur d’âme n’était pas du calcul, c’était avant tout du sentiment. Quant aux principes politiques, il n’en avait pas ; la Révolution pour lui n’était qu’un beau drame propre à fournir une grande scène à ses facultés et un rôle à son génie. Grand homme au service des événements, si la Révolution ne l’eût pas choisi pour son général et pour son sauveur, il eût été tout aussi bien le général et le sauveur de la coalition. Dumouriez n’était pas le héros d’un principe, c’était le héros de l’occasion.


VIII

Les nouveaux ministres se réunirent chez madame Roland, l’âme du ministère girondin ; Duranton, Lacoste, Cahier-Gerville, y reçurent passivement l’impulsion des hommes dont ils n’étaient que les prête-noms dans le conseil. Dumouriez affecta comme eux, les premiers jours, une pleine condescendance aux intérêts et aux volontés de ce parti. Ce parti, personnifié chez Roland dans une femme jeune, belle, éloquente, devait avoir pour le général un attrait de plus. Il espéra le dominer en dominant le cœur de cette femme. Il déploya pour elle tout ce que son caractère avait de souplesse, sa nature de grâce, son génie de séduc-