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vivement la baïonnette du simple soldat que l’épée du général. Sa tête, un peu rejetée en arrière, était bien détachée des épaules. Ses fiers mouvements de tête le grandissaient sous son panache tricolore. Son front était élevé, bien modelé, serré des tempes. Ses angles saillants et bien détachés annonçaient la sensibilité de l’âme sous les délicatesses de l’intelligence et les finesses du tact ; ses yeux étaient noirs, larges, noyés de feu ; ses longs cils en relevaient l’éclat ; son nez et l’ovale de sa figure étaient de ce type aquilin qui révèle les races ennoblies par la guerre et par l’empire ; sa bouche, entr’ouverte et gracieuse, était presque toujours souriante ; aucune tension des lèvres ne trahissait l’effort de ce caractère souple et de cet esprit dispos qui jouait avec les difficultés et tournait les obstacles ; son menton, relevé et prononcé, portait son visage comme sur un socle ferme et carré ; l’expression habituelle de sa figure était une gaieté sereine et communicative. On sentait que nul poids d’affaires n’était lourd pour lui, et qu’il conservait toujours assez de liberté d’esprit pour plaisanter avec la bonne ou avec la mauvaise fortune. Il traitait gaiement la politique, la guerre et le gouvernement. Le son de sa voix était vibrant, sonore, mâle : on l’entendait par-dessus le bruit du tambour et le froissement des baïonnettes. Son éloquence était directe, spirituelle, inattendue ; elle frappait et éblouissait comme l’éclair ; ses mots rayonnaient dans le conseil, dans les confidences et dans l’intimité : cette éloquence s’attendrissait et s’insinuait comme celle d’une femme. Il était persuasif, car son âme, mobile et sensible, avait toujours dans l’accent la vérité de l’impression du moment. Passionné pour les femmes et très-accessible à l’amour, leur commerce avait communiqué à son âme quelque chose de