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patrie. Oginski, le dernier de ces grands patriotes, soulève la Lithuanie au moment même où la Petite-Pologne dépose les armes. Abandonné et fugitif, il s’échappe à Dantzig, et erre pendant trente ans en Europe et en Amérique, emportant seul sa patrie dans son cœur. La belle comtesse de Mniszek languit et succomba de douleur avec la Pologne. Dumouriez pleure cette héroïne, « adorée d’un pays où les femmes, dit-il, sont plus hommes que les hommes. » Il brise son épée, désespère à jamais de cette aristocratie sans peuple, et lui lance en partant le nom de nation asiatique de l’Europe.


VI

Il revient à Paris. Le roi et M. d’Argenson, pour sauver les apparences avec la Russie et avec la Prusse, le font jeter à la Bastille, ainsi que Favier ; il y passe un an à maudire l’ingratitude des cours et la faiblesse des rois, et retrouve son énergie naturelle dans la retraite et dans l’étude. Le roi change sa prison en un exil dans la citadelle de Caen. Là, Dumouriez retrouve dans un couvent la cousine qu’il avait aimée. Libre et lasse de la vie monastique, elle s’attendrit en revoyant son ancien amant. Il l’épouse. Il est nommé commandant de Cherbourg. Son génie actif s’exerce contre les éléments comme il s’était exercé contre les hommes. Il conçoit le plan de ce port militaire, qui devait emprisonner une mer orageuse dans un bassin de granit, et