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de la liberté d’un peuple. Le roi, qui craignait de heurter l’impératrice de Russie Catherine, de donner des prétextes d’hostilité à Frédéric et des ombrages à la cour de Vienne, voulait cependant tendre à la Pologne expirante la main de la France, mais en cachant cette main et en se réservant de la couper même s’il était nécessaire. Dumouriez fut l’intermédiaire choisi pour ce rôle, ministre secret de la France auprès des confédérés polonais, général au besoin, mais général aventurier et désavoué, pour rallier et diriger leurs efforts.

Le duc de Choiseul, indigné de l’abaissement de la France, préparait sourdement la guerre contre la Prusse et l’Angleterre. Cette diversion puissante en Pologne était nécessaire à son plan de campagne. Il donna ses instructions confidentielles à Dumouriez ; mais, renversé du ministère par les intrigues de madame du Barry et de M. d’Argenson, le duc de Choiseul fut tout à coup exilé de Versailles avant que Dumouriez fût arrivé en Pologne. La politique de la France, changeant avec le ministre, déroutait d’avance les plans de Dumouriez ; il les suivit cependant avec une ardeur et une suite dignes d’un meilleur succès. Il trouva le peuple polonais avili par la misère, l’esclavage et l’habitude du joug étranger ; il trouva les aristocrates polonais corrompus par le luxe, endormis dans les voluptés, usant en intrigues et en paroles la chaleur de leur patriotisme dans les conférences d’Épéries, qui avaient suivi la confédération de Bar. Une femme d’une beauté célèbre, d’un rang élevé, d’un génie oriental, la comtesse de Mniszek, fomentait, nouait ou dénouait ces parties diverses. Quelques orateurs patriotes y faisaient retentir vainement les derniers accents de l’indépendance. Quelques