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V

De retour à Paris, Dumouriez y passa un an dans la société des hommes de lettres et des femmes de plaisir qui donnaient aux réunions de ce temps l’esprit et le ton d’une orgie décente. Lié d’un attachement de cœur avec une ancienne compagne de madame du Barry, il connaissait cette courtisane parvenue, que le libertinage avait élevée jusqu’au trône. Mais dévoué au duc de Choiseul, ennemi de cette maîtresse du roi, et conservant ce supplément à la vertu, chez les Français, qu’on appelle honneur, il ne prostitua pas son uniforme dans sa cour ; il rougit de voir le vieux monarque, aux revues de Fontainebleau, marcher à pied, la tête découverte, devant son armée, à côté du carrosse où cette femme étalait sa beauté et son empire. Madame du Barry s’offensa de l’oubli du jeune officier : elle devina le mépris sous l’absence. Dumouriez fut envoyé en Pologne, au même titre qu’il avait été envoyé en Portugal. Cette mission, à la fois diplomatique et militaire, était une secrète pensée du roi, conseillé par son confident, le comte de Broglie, et par Favier, l’inspirateur du comte.

C’était le moment où la Pologne opprimée et à demi occupée par les Russes, menacée par la Prusse, abandonnée par l’Autriche, essayait quelques mouvements incohérents pour renouer ses tronçons épars, et disputer du moins par lambeaux sa nationalité à ses oppresseurs : dernier soupir