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nale s’effaçait. Cent hommes du 18e régiment de cavalerie, en détachement à Étampes, étaient toute la force publique à la disposition du maire. L’officier commandant répondit de ses soldats comme de lui-même. Après de longs pourparlers avec les séditieux, pour les ramener à la raison et à la loi, Simoneau rentra à la maison commune, fit déployer le drapeau rouge, proclama la loi martiale et marcha de nouveau contre les révoltés, entouré du corps municipal et au centre de la force armée. Arrivé sur la place d’Étampes, la foule enveloppe et coupe le détachement. Les cavaliers laissent le maire à découvert : pas un sabre n’est tiré pour sa défense. En vain il les somme au nom de la loi et au nom des armes qu’ils portent de prêter secours au magistrat contre ses assassins ; en vain il saisit la bride d’un des cavaliers les plus rapprochés de lui en lui criant : À moi, mes amis ! Atteint de coups de fourche et de coups de fusil, dans ce geste même de l’appel à la force, il tombe en tenant encore dans la main les rênes du lâche cavalier qu’il implore ; celui-ci, pour se dégager, abat d’un revers de son sabre le bras du maire déjà expiré, et en laisse le corps aux insultes du peuple. Les scélérats maîtres du cadavre s’acharnent sur ses restes palpitants ; ils délibèrent s’ils lui couperont la tête. Les chefs font défiler leur troupe en passant sur le corps du maire et en trempant leurs pieds dans son sang. Puis ils sortent tambour battant de la ville et vont s’enivrer toute la nuit dans les faubourgs : la taxe des grains, motif apparent de la sédition, fut négligée dans l’ivresse du triomphe. Il n’y eut point de pillage, soit que le sang fît oublier la faim au peuple, soit que la faim elle-même ne fût que le prétexte des assassinats.