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qui caractérisent les actes du ministre n’aient produit la plus vive indignation. N’est-ce pas lui qui a gardé pendant deux mois dans son portefeuille le décret de réunion d’Avignon à la France ? et le sang versé dans cette ville, les cadavres mutilés de tant de victimes, ne nous demandent-ils pas vengeance contre lui ? Je vois de cette tribune le palais où des conseillers pervers trompent le roi que la constitution nous donne, forgent les fers dont ils veulent nous enchaîner, et ourdissent les trames qui doivent nous livrer à la maison d’Autriche. (La salle retentit d’applaudissements forcenés.) Le jour est arrivé de mettre un terme à tant d’audace, tant d’insolence, et d’anéantir enfin les conspirateurs. L’épouvante et la terreur sont souvent sorties dans les temps antiques de ce palais fameux au nom du despotisme ; qu’elles y rentrent aujourd’hui au nom de la loi (les applaudissements redoublent et se prolongent) ; qu’elles y pénètrent tous les cœurs ; que tous ceux qui l’habitent sachent que la constitution ne promet l’inviolabilité qu’au roi ; qu’ils apprennent que la loi y atteindra tous les coupables, et qu’il n’y sera pas une seule tête convaincue d’être criminelle qui puisse échapper à son glaive. »

Ces allusions à la reine, qu’on accusait de diriger le comité autrichien ; ces paroles menaçantes adressées au roi, allèrent retentir jusque dans le cabinet de ce prince et forcer sa main à signer la nomination du ministère girondin. C’était ainsi une manœuvre de parti exécutée, sous les apparences de l’indignation et de l’improvisation, du haut de la tribune ; c’était plus, c’était le premier signe fait par les Girondins aux hommes du 20 juin et du 10 août. L’acte d’accusation fut emporté, et de Lessart envoyé à la cour d’Orléans, qui ne le rendit qu’aux égorgeurs de Versailles.