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X

Les rôles ainsi préparés et madame Roland avertie de l’élévation prochaine de son mari, les Girondins attaquèrent le ministère dans la personne de M. de Lessart à la séance du 10 mars. Brissot lut contre ce ministre un acte d’accusation habilement et perfidement tissu, où les apparences présentées pour des faits et les conjectures données pour des preuves jetaient sur les négociations de M. de Lessart tout l’odieux et toute la criminalité d’une trahison. Il propose le décret d’accusation contre le ministre des affaires étrangères. L’Assemblée se tait ou applaudit. Quelques membres, sans défendre le ministre, demandent que l’Assemblée se donne le temps de la réflexion et affecte au moins l’impartialité de la justice. « Hâtez-vous, s’écrie Isnard ; pendant que vous délibérez, le traître fuit peut-être. — J’ai été longtemps juge, répond Boulanger ; je n’ai jamais décrété si légèrement la peine capitale. » Vergniaud, qui voit l’Assemblée indécise, s’élance deux fois à la tribune pour combattre les excuses et les temporisations du côté droit. Becquet, dont le sang-froid égale le courage, veut tourner le danger et demande le renvoi au comité diplomatique. Vergniaud craint que l’heure n’échappe à son parti. « Non, non, dit-il, il ne faut pas de preuves pour rendre un décret d’accusation : des présomptions suffisent. Il n’est aucun de nous dans l’esprit duquel la lâcheté et la perfidie