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pierre balançait seul leur influence aux Jacobins. Les vociférations de Billaud-Varennes, de Danton, de Collot-d’Herbois, ne les alarmaient pas ; le silence de Robespierre les inquiétait : ils l’avaient vaincu dans la question de la guerre ; mais l’opposition stoïque de Robespierre et l’élan du peuple vers la guerre ne l’avaient pas décrédité. Cet homme avait retrempé sa force dans l’isolement. L’inspiration d’une conscience solitaire et incorruptible était plus forte que l’entraînement de tout un parti. Ceux qui ne l’approuvaient pas l’admiraient encore : il s’était rangé de côté pour laisser passer la guerre ; mais l’opinion avait toujours les yeux sur lui : on eût dit qu’un instinct secret révélait au peuple que cet homme était lui seul un avenir. Quand il marchait, on le suivait ; quand il ne marchait plus, on l’attendait : les Girondins étaient donc condamnés par la prudence à se défier de cet homme et à rester dans l’Assemblée entre leur ministère et lui. Ces précautions prises, ils cherchèrent autour d’eux quels étaient les hommes nuls par eux-mêmes, mais inféodés à leur parti, dont ils pouvaient faire des ministres ; il leur fallait des instruments, et non des maîtres ; des séides attachés à leur fortune, qu’ils pussent tourner à leur gré ou contre le roi ou contre les Jacobins, grandir sans crainte ou précipiter sans remords. Ils les cherchèrent dans l’obscurité, et crurent les avoir trouvés dans Clavières, dans Roland, dans Dumouriez, dans Lacoste et dans Duranton ; ils ne s’étaient trompés que d’un homme. Dumouriez se trouva le génie d’une circonstance caché sous l’habit d’un aventurier.