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volonté du peuple, une monarchie ou une république. Prêts à tout ce qui les laisserait régner sous le nom du roi ou sous le nom du peuple, ces hommes qui sortaient à peine de l’obscurité, et qui, séduits par la facilité de leur fortune, la saisissaient à son premier sourire, s’abandonnaient à ses conseils. Les hommes qui montent vite prennent aisément le vertige.

Toutefois, une profonde politique se révéla, dans ce conseil secret des Girondins, par le choix des hommes qu’ils mirent en avant et qu’ils présentèrent pour ministres au roi. Brissot montra en cela la patience d’une ambition consommée. Il inspira sa prudence à Vergniaud, à Pétion, à Guadet, à Gensonné, à tous les hommes éminents de son parti. Il resta avec eux dans le demi-jour près du pouvoir ; mais en dehors du ministère projeté, il voulut tâter l’opinion par des hommes secondaires qu’on pouvait désavouer et sacrifier au besoin, et se tenir en réserve avec les premières têtes des Girondins, soit pour appuyer, soit pour renverser ce faible ministère de transition, si la nation commandait des mesures plus décisives. Brissot et les siens étaient prêts à tout, à diriger comme à remplacer le pouvoir : ils étaient maîtres et ils n’étaient pas responsables. On reconnaissait les disciples de Machiavel à cette tactique des Girondins. De plus, en s’abstenant d’entrer dans le premier cabinet, ils restaient populaires, ils conservaient à l’Assemblée et aux Jacobins ces voix puissantes qui auraient été étouffées dans le ministère : cette popularité leur était nécessaire pour lutter contre Robespierre, qui marchait de près sur leurs pas et qui se serait trouvé à la tête de l’opinion s’ils la lui avaient abandonnée. En entrant aux affaires, ils affectaient pour ce rival plus de mépris qu’ils n’en avaient : Robes-