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tout complice. Sous le fanatique il masquait le conjuré.

Ce rôle fléchit au bout de quelques jours sous la vérité et sous le remords. Il déroula le complot, il nomma les coupables, il confessa le prix du crime. C’était une somme d’argent qu’on avait pesée rixdale par rixdale contre le sang de Gustave. Ce plan, conçu depuis six mois, avait été déjoué trois fois, par le hasard ou par la destinée : à la diète de Telje, à Stockholm et à Haga. Le roi tué, tous les favoris de son cœur, tous les instruments de son gouvernement devaient être immolés à la vengeance du sénat et à la restauration de l’aristocratie. On devait promener leurs têtes, au bout de piques, dans les rues de la capitale, à l’imitation des supplices populaires de Paris. Le duc de Sudermanie, frère du roi, devait être sacrifié. Le jeune roi, livré aux conjurés, leur servirait d’instrument passif pour rétablir l’ancienne constitution et pour légitimer leur forfait. Les principaux complices appartenaient aux premières familles de Suède ; la honte de leur puissance perdue avait avili leur ambition jusqu’au crime. C’étaient le comte de Ribbing, le comte de Horn, le baron d’Ehrensvœrd, et enfin le colonel Lilienhorn. Lilienhorn, commandant des gardes, tiré de la misère et de l’obscurité par la faveur du roi, élevé aux premiers grades de l’armée et aux premières intimités du palais, avoua son ingratitude et son crime : séduit, confessa-t-il, par l’ambition de commander, pendant le trouble, les gardes nationales de Stockholm. Le rôle de La Fayette à Paris lui avait paru l’idéal du citoyen et du soldat. Il n’avait pu résister à l’éblouissement de cette perspective. À demi engagé dans le complot, il avait essayé de le rendre impossible tout en le méditant. C’était lui qui avait écrit au roi la lettre anonyme où on avertissait ce