Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


VII

À peine avait-il parcouru la salle, qu’il fut entouré, comme on le lui avait prédit, par un groupe de personnes masquées, et séparé, comme par un mouvement machinal, de la foule des officiers qui l’accompagnaient. À ce moment une main invisible lui tira par derrière un coup de pistolet chargé à mitraille. Le coup l’atteignit dans le flanc gauche au-dessus de la hanche ; Gustave fléchit dans les bras du comte d’Armsfeld, son favori. Le bruit de l’arme, la fumée de la poudre, les cris : Au feu ! qui s’élevèrent de partout, la confusion qui suivit la chute du roi, l’empressement réel ou simulé des personnes qui se précipitaient pour le relever, favorisaient la dispersion des assassins ; le pistolet était tombé à terre. Gustave ne perdit pas un moment sa présence d’esprit ; il ordonna qu’on fermât les portes de la salle et qu’on fît démasquer tout le monde. Transporté par ses gardes dans son appartement, attenant à l’Opéra, il y reçut les premiers soins des médecins ; il admit en sa présence quelques-uns des ministres étrangers ; il leur parla avec la sérénité d’une âme ferme. La douleur même ne lui inspira pas un sentiment de vengeance. Généreux jusque dans la mort, il demanda avec inquiétude si l’assassin avait été arrêté. On lui répondit qu’il était encore inconnu. « Ah ! Dieu veuille, dit-il, qu’on ne le découvre pas ! »