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tions ; ne vous souvenez que de mon pardon et de ses vertus. Imitez ses grandes qualités, mais gardez-vous de tomber dans ses vices, pour ne pas faire rougir à votre tour ceux qui auront à scruter votre vie. »

Le prince dans Léopold était supérieur à l’homme. Il avait essayé le gouvernement philosophique en Toscane ; cet heureux pays bénit encore sa mémoire. Son génie n’était pas à la proportion d’un plus vaste empire. La lutte que lui proposait la Révolution française le forçait à saisir la direction de l’Allemagne ; il la saisit avec mollesse. Il opposa les temporisations de la diplomatie à l’incendie des idées nouvelles. Donner du temps à la Révolution, c’était lui assurer la victoire. On ne pouvait la vaincre que par surprise, et l’étouffer que dans son premier foyer. Elle avait le génie des peuples pour négociateur et pour complice ; elle avait pour armée sa popularité croissante. Ses idées lui recrutaient les princes, les peuples, les cabinets ; Léopold aurait voulu lui faire sa part, mais la part des révolutions c’est la conquête de tout ce qui s’oppose à leurs principes. Les principes de Léopold pouvaient bien se concilier avec la Révolution : mais sa puissance comme arbitre de l’Allemagne ne pouvait se concilier avec la puissance conquérante de la France. Son rôle était double, sa situation était fausse. Il mourut à propos pour sa gloire ; il paralysait l’Allemagne, il amortissait l’élan de la France. En disparaissant entre les deux, il laissait les deux principes s’entrechoquer : la guerre devait en sortir.