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dans le soulèvement des populations. Pendant qu’on fêtait à Paris les Suisses de Châteauvieux, la populace de Marseille exigeait violemment l’expulsion du régiment suisse d’Ernst, en garnison à Aix, sous prétexte qu’il y favorisait l’aristocratie et qu’il y menaçait la sécurité de la Provence. Sur le refus de ce régiment de quitter la ville, les Marseillais marchèrent sur Aix, comme les Parisiens avaient marché sur Versailles aux journées d’octobre. Ils entraînaient dans leur violence la garde nationale destinée à la réprimer ; ils cernaient avec du canon le régiment d’Ernst, lui faisaient déposer les armes et le chassaient honteusement devant la sédition. La garde nationale, force essentiellement révolutionnaire, parce qu’elle participe comme peuple aux opinions, aux sentiments et aux passions qu’elle doit contenir comme garde civique, suivait partout par faiblesse ou par entraînement les mobiles impressions de la foule. Comment des hommes sortant des clubs où ils venaient d’approuver, d’applaudir et souvent de souffler la sédition dans des discours patriotiques, pouvaient-ils, changeant de cœur et de rôle à la porte des sociétés populaires, prendre les armes contre les séditieux ? Aussi restaient-ils spectateurs quand ils n’étaient pas complices des insurrections. La rareté des denrées coloniales, la cherté des grains, les rigueurs d’un hiver sinistre, tout contribuait à inquiéter le peuple ; les agitateurs tournaient tous ces malheurs du temps en accusation et en haine contre la royauté.