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XX

Les femmes de la reine, les dames d’honneur des princesses, les femmes de chambre de service, la princesse de Tarente, mesdames de La Roche-Aymon, de Ginestous, la jeune Pauline de Tourzel, fille de la marquise de Tourzel, gouvernante des enfants de France, s’étaient rassemblées dès le commencement du combat dans les appartements de la reine. Les décharges d’artillerie, la mitraille des canons du Carrousel rejaillissant sur les murs, l’invasion du peuple, la sortie des Suisses, la victoire d’un moment suivie d’un assaut plus terrible, les cris, le silence, la fuite des victimes poursuivies au-dessus de leurs têtes dans la galerie des Carrache, la chute des corps jetés par les balcons dans la cour, les rugissements de la foule sous leurs fenêtres, avaient suspendu en elles la respiration et la vie. Elles mouraient de mille coups depuis trois heures.

La foule, qui avait fait sa première irruption par l’autre escalier du château, n’avait pas encore découvert leur asile. On n’y parvenait que par l’escalier dérobé qui montait de l’appartement de la reine dans celui du roi, et par l’escalier des Princes, obstrué par une masse immobile de cadavres marseillais. Une des bandes armées d’égorgeurs trouva enfin l’accès de l’escalier dérobé et s’y rua dans les ténèbres. Ces degrés intérieurs desservaient des corridors bas et obscurs, des entre-sols pratiqués entre les deux