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et met bas les armes. Les Marseillais, informés de la retraite d’une partie des Suisses, et témoins de la défection de la gendarmerie, marchent une seconde fois en avant ; les masses des faubourgs Saint-Marceau et Saint-Antoine inondent les cours. Westermann et Santerre, le sabre à la main, leur montrent le grand escalier et les poussent à l’assaut au chant du Ça ira ; la vue de leurs camarades morts, couchés sur le Carrousel, les enivre de vengeance ; les Suisses ne sont plus à leurs yeux que des assassins soldés. Ils se jurent entre eux de laver ces pavés, ce palais, dans le sang de ces étrangers ; ils s’engouffrent comme un torrent de baïonnettes et de piques sous les larges voûtes du péristyle. D’autres colonnes, tournant le château, pénètrent dans le jardin par la porte du Pont-Royal et du Manége, et s’accumulent au pied des murs. Six pièces de canon ramenées de l’hôtel de ville et placées aux angles de la rue Saint-Nicaise, de la rue des Orties et de la rue de l’Échelle, lancent les boulets et la mitraille sur le château. Les faibles détachements épars dans les appartements se rallient, sans ordre et sans unité, au poste le plus rapproché d’eux. Quatre-vingts hommes se groupent sur les marches du grand escalier ; de là ils font d’abord deux feux de file qui renversent dans le vestibule quatre cents Marseillais.

Les cadavres de ces combattants servent de marchepied aux autres pour escalader la position. Les Suisses se replient lentement de marche en marche, laissant un rang des leurs sur chaque degré. Leur feu diminue avec leur nombre, mais tous tirent jusqu’à la mort. Le dernier coup de fusil ne s’éteignit qu’avec la dernière vie.

Quatre-vingts cadavres jonchaient l’escalier. De ce moment le combat ne fut plus qu’un massacre. Les Marseil-