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IX

Le château, dépourvu d’une partie de ses forces militaires et de toute sa force morale par l’absence du roi et de son escorte, ressemblait plus en ce moment à un lieu public peuplé d’une foule confuse qu’à un quartier général. Nul n’y donnait d’ordres, nul n’en recevait ; tout y flottait au hasard. Parmi les Suisses et les gentilshommes, les uns parlaient d’aller rejoindre le roi à l’Assemblée et de mourir en le défendant malgré lui ; les autres, de former une colonne d’attaque, de balayer le Carrousel, d’enlever la famille royale et de la conduire, à l’abri de deux ou trois mille baïonnettes, à Rambouillet, et de là à l’armée de La Fayette. Ce dernier parti offrait des chances de salut. Mais tout le monde était capable de proposer, personne de résoudre. L’heure dévorait ces vains conseils. Les forces diminuaient. Deux cents Suisses, avec M. Bachmann et l’état-major, et trois cents gardes nationaux des plus résolus avaient suivi le roi à l’Assemblée et se tenaient à ses ordres aux portes du Manége. Il ne restait donc dans l’intérieur des Tuileries que sept cents Suisses, deux cents gentilshommes mal armés, et une centaine de gardes nationaux, en tout environ mille combattants disséminés dans une multitude de postes ; dans les jardins et dans les cours, quelques bataillons débandés et des canons prêts à se tourner contre le palais. Mais l’intrépide attitude des Suisses et