Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/422

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des heures d’anxiété. Le maréchal de Mailly, à qui le commandement des forces du château était confié par le roi, avait ordre d’empêcher par la force la violation du domicile royal.

Deux espérances vagues restaient donc encore au fond des pensées du roi et de la reine pendant ces premières perplexités de la journée. La première, c’était que la majorité de l’Assemblée, touchée de l’abaissement de la royauté, et fière de lui donner asile, aurait assez de générosité et assez d’empire sur le peuple pour ramener le roi dans son palais et pour venger en lui le pouvoir exécutif. La seconde, c’est que le peuple et les Marseillais, engageant le combat aux portes du château, seraient foudroyés par les Suisses et par les bataillons de la garde nationale, et que cette victoire gagnée aux Tuileries dégagerait le roi de l’Assemblée. Si telle n’eût pas été l’espérance du roi et de ses conseillers, était-il croyable que ce prince eût laissé écouler tant de longues heures, depuis sept heures jusqu’à dix heures de la matinée, sans envoyer à ses défenseurs, par un des ministres ou par un des nombreux officiers généraux qui l’entouraient, l’ordre de capituler et de se replier, en assurant seulement la sûreté de tant de vies compromises par son silence ? Il attendait donc un événement quelconque, soit au dedans, soit au dehors. Son seul tort était de ne pas le diriger. Même après avoir mis sa femme, sa sœur, ses enfants sous la protection de l’Assemblée, il pouvait regagner le palais avec son escorte, rallier ses défenseurs et recevoir l’assaut. Vainqueur, il ressaisissait le prestige de la victoire ; vaincu, il ne tombait pas plus bas dans l’infortune, et il tombait en roi.