jeta avec les autres dans le corps de garde. Son nom avait grossi et envenimé l’attroupement. On demandait sa tête. Un commissaire, monté sur un tréteau, harangue la foule et veut suspendre le crime en promettant justice. Théroigne de Méricourt, en habit d’amazone et le sabre nu à la main, précipite le commissaire du haut de la tribune et l’y remplace. Elle allume par ses paroles la soif du sang dans le peuple, qui l’applaudit ; elle fait nommer par acclamation des commissaires qui montent avec elle au comité de la section pour arracher les victimes à la lenteur des lois. Le président de la section, Bonjour, premier commis de la marine, ambitieux du ministère, défend à la garde nationale de résister aux volontés du peuple. Deux cents hommes armés obéissent à cet ordre et livrent les prisonniers. Onze d’entre eux s’évadent par une fenêtre de derrière. Les onze autres sont bloqués dans le poste. On vient les appeler un à un pour les immoler dans la cour. Quelques gardes nationaux, plus humains ou moins lâches, veulent, malgré l’ordre de Bonjour, les disputer aux assassins. « Non, non, dit Suleau, laissez-moi aller au-devant des meurtriers ! Je vois bien qu’aujourd’hui le peuple veut du sang. Peut-être une seule victime lui suffira-t-elle ! Je payerai pour tous ! » Il allait se précipiter par la fenêtre. On le retint.
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