Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/416

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les autres détournaient la tête et affectaient de ne pas le voir. La catastrophe apaisait l’irritation ; la convenance ajournait l’outrage. Un seul fut cruel : ce fut le peintre David. Le roi, l’ayant reconnu dans le nombre de ceux qui se pressaient pour le contempler, dans le couloir à la porte de la loge du logographe, lui demanda s’il aurait bientôt fini son portrait. « Je ne ferai désormais le portrait d’un tyran, répondit David, que quand sa tête posera devant moi sur un échafaud. » Le roi baissa les yeux et dévora l’insulte. David se trompait d’heure. Un roi détrôné n’est plus qu’un homme ; un mot courageux devant la tyrannie devient lâche devant l’adversité.


VI

Pendant que la salle se remplissait, et restait dans cette attente agitée mais inactive qui précède les grandes résolutions, le peuple, qu’aucune force armée ne contenait du côté de la rue Saint-Honoré, avait fait irruption dans la cour des Feuillants jusqu’au seuil même de l’Assemblée. Il demandait à grands cris qu’on lui livrât vingt-deux prisonniers royalistes, arrêtés pendant la nuit, aux Champs-Élysées, par la garde nationale.

Ces prisonniers étaient accusés d’avoir fait partie de patrouilles secrètes, répandues dans les différents quartiers par la cour pour examiner les dispositions du peuple et pour diriger les coups des satellites du château. Les uniformes