Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/414

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de clameur extérieure fit craindre que les portes ne cédassent, et que le peuple ne vînt immoler le roi sans retraite dans ce cachot. Vergniaud donna l’ordre d’arracher la grille de fer qui séparait la loge de la salle, pour que Louis XVI pût se réfugier au milieu des députés, si une invasion du peuple avait lieu par les couloirs. À défaut d’ouvriers et d’outils, quelques députés, les plus rapprochés du roi, ainsi que MM. de Choiseul, le prince de Poix, les ministres, le roi lui-même, accoutumé à se servir de son bras pour ses rudes travaux de serrurerie, réunirent leurs efforts, et arrachèrent le grillage de ses scellements. Grâce à cette précaution, il restait encore un dernier rempart au roi contre le fer du peuple. Mais aussi la majesté royale était à découvert devant les ennemis qu’elle avait dans la salle. Les dialogues dont elle était l’objet parvenaient sans obstacle à ses oreilles. Le roi et la reine voyaient et entendaient tout. Spectateurs et victimes à la fois, ils assistèrent de là pendant quatorze heures à leur propre dégradation.

Dans la loge même du logographe, un homme jeune alors, signalé depuis par ses services, M. David, depuis consul général et député, notait respectueusement pour l’histoire l’attitude, la physionomie, les gestes, les larmes, la couleur, la respiration et jusqu’aux palpitations involontaires des muscles du visage que les émotions de ces longues heures imprimaient aux traits de la famille royale.

Le roi était calme, serein, désintéressé de l’événement comme s’il eût assisté à un drame dont un autre eût été l’acteur. Sa forte nature lui faisait sentir le besoin pressant de nourriture, même sous les émotions de son âme. Rien ne suspendait sa puissante vie. L’agitation même de son