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XIV

Il était sept heures. Le tocsin n’avait pas cessé de tinter pendant la nuit. Depuis que l’heure matinale où le peuple se lève pour se rendre à ses travaux du jour avait sonné, les rues et les places, d’abord lentes à se remplir, s’étaient encombrées de foule. Ces masses de peuple, stagnantes dans leurs mouvements, attendaient que les bataillons de leurs quartiers se fussent rassemblés pour les suivre. À peine apercevait-on un faible courant vers le Louvre et vers le Pont-Royal, dans les rues qui versent du faubourg Saint-Antoine et du faubourg Saint-Marceau dans le centre de Paris. Les deux foyers d’impulsion étaient maintenant, l’un à l’hôtel de ville avec Santerre et Westermann ; l’autre dans l’ancien bâtiment des Cordeliers, où siégeait le club de ce nom, et où les Marseillais avaient été casernés.

Les Cordeliers avec leur club et leur caserne étaient au quartier Saint-Marceau et à la rive gauche de la Seine ce que l’hôtel de ville était pour le faubourg Saint-Antoine et pour la rive droite : le cœur et le bras de l’insurrection. À minuit, Danton, Camille Desmoulins, Fabre d’Églantine, Carra, Rebecqui, Barbaroux et les principaux meneurs du club s’étaient constitués en séance permanente. Danton, l’orateur des Cordeliers et l’homme d’État du peuple, avait fait ouvrir la salle aux Marseillais. « Aux armes ! leur avait-il dit. Vous entendez le tocsin, cette voix du peuple. Il vous