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Le roi en balbutiait quelques-unes, à peine entendues, toujours les mêmes, comme un refrain qui dispense de penser : « Eh bien, messieurs ! on dit qu’ils viennent… Je ne sais pas ce qu’ils veulent… Nous verrons… Ma cause est celle de la constitution et de tous les bons citoyens… Nous ferons notre devoir, n’est-ce pas ? »

Ces paroles, prononcées de distance en distance et interrompues par de rares acclamations et par le retentissement des armes que les postes présentaient au roi, suffisaient à la contenance, mais ne suffisaient pas à la gravité du moment. La reine, qui suivait pas à pas le roi, relevait ces paroles par la noblesse de son attitude, par le mouvement à la fois fier et gracieux de sa tête et par l’expression de son regard. Elle aurait voulu inspirer son âme au roi ; elle souffrait de ne révéler que par l’attitude, par la rougeur et par l’émotion muette, les sentiments que son sexe l’obligeait à contenir dans son sein. On voyait qu’elle pleurait en dedans, mais que le courage et la dignité séchaient ses larmes à mesure qu’elles sortaient. Sa respiration était courte, forte, bruyante ; sa poitrine se soulevait sous l’indignation. Ses traits fatigués et pâlis par l’insomnie, mais tendus par la volonté et exaltés par l’intrépidité de son âme ; ses yeux qui parlaient par des éclairs continus à tous les yeux fixés sur elle ; son regard qui implorait, qui remuait, qui bravait à la fois, selon qu’il rencontrait des visages froids, amis ou hostiles ; l’anxiété avec laquelle elle cherchait sur les physionomies l’impression des paroles du roi ; sa lèvre relevée et palpitante, ses narines renflées par l’émotion, l’attitude de sa tête redressée par le péril, sa démarche triste, ses bras affaissés, ses poses fières, les traces encore récentes de cette beauté qui commençait à pâlir sous