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partement arrivèrent. Ils apprirent aux ministres la formation de la nouvelle municipalité. Elle venait de faire distribuer des cartouches aux Marseillais. Le bataillon des Cordeliers et les Marseillais devaient être déjà en marche. La loi, détrônée partout, n’avait plus d’asile que les Tuileries. Ils insistèrent pour que le roi allât demander protection à l’Assemblée. « Non ! répondit M. Dubouchage, qui venait d’entendre de la fenêtre les outrages vomis par les bataillons de piques contre le roi ; il n’y a plus de sûreté pour lui qu’ici ! il faut qu’il y triomphe ou qu’il y périsse ! »

Les membres du département, et Rœderer à leur tête, résolurent alors de se rendre eux-mêmes au corps législatif, de lui faire connaître la situation, les conseils qu’ils donnaient au roi, et de provoquer enfin de l’Assemblée une résolution qui sauvât tout. Ces membres du département rencontrèrent aux aborda de l’Assemblée les deux ministres qui en sortaient. « Qu’allez-vous faire ? leur dit le ministre de la justice ; nous venons de supplier l’Assemblée d’appeler le roi dans son enceinte, à peine nous a-t-elle écoutés ; elle n’est pas en nombre pour rendre un décret, à peine compte-t-on soixante membres ! » Le département, découragé, rentra au château avec les ministres. Les canonniers qui stationnaient avec leurs pièces sous le vestibule, au pied du grand escalier, les arrêtèrent. « Messieurs, leur dirent-ils avec une anxiété qui se révélait sur leurs visages, est-ce que nous serons obligés de faire feu sur nos frères ? — Vous n’êtes là, répondit Rœderer, que pour garder la demeure du roi et empêcher qu’on n’en force l’entrée. Ceux qui tireraient sur vous ne seraient plus vos frères ! »

Ces paroles ayant paru tranquilliser les canonniers, on pria Rœderer et ses collègues d’aller les répéter dans les