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cendie. « Ma sœur, dit-elle à la reine, venez donc voir poindre l’aurore ! » La reine se leva, regarda le ciel et soupira. Ce fut le dernier jour où elle vit le soleil à travers une fenêtre sans barreaux. Toute étiquette avait disparu. L’agitation avait confondu les rangs. À chaque nouvelle qu’on apportait au roi ou à la reine, une foule de serviteurs, d’amis, de militaires se pressaient familièrement autour d’eux et donnaient leurs impressions ou leur avis. Le roi était obligé de changer souvent de place et de chercher des pièces dans ses appartements pour écouter ceux de ses ministres qui avaient à l’entretenir en particulier.

Vers trois heures, il se retira de nouveau dans sa chambre, laissant la reine, Madame Élisabeth, les ministres et Rœderer dans la salle du Conseil. On croit qu’accablé des fatigues et des émotions de la journée et de la nuit, et rassuré par les avis qu’il venait de recevoir, il alla chercher dans quelques moments de sommeil les forces dont il aurait besoin au lever du jour. La reine et Madame Élisabeth avaient auprès d’elles la princesse de Lamballe, la princesse de Tarente, mesdames de La Roche-Aymon et de Ginestous ; mesdames de Tourzel, gouvernante des enfants de France ; de Makau, de Bouzy et de Villefort, sous-gouvernantes : femmes de cour que les dangers et les revers de leurs maîtres élevèrent tout à coup, dans cette nuit, jusqu’au complet oubli d’elles-mêmes, cet héroïsme naturel aux femmes ! La duchesse de Maillé, dame du palais qui n’était pas au château la veille et que ses opinions populaires avaient rendue suspecte à la cour dans les premiers jours de la Révolution, ayant appris dans la nuit la prochaine attaque du château et les dangers de la famille royale, sortit à pied de sa demeure, se jeta seule, sans