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laissé aux Tuileries. — Depuis quand cet ordre a-t-il été donné ? — Depuis trois jours ; je le rapporterai. — Pourquoi as-tu fait marcher les canons ? — Quand le bataillon marche, les canons le suivent. — La garde nationale ne retient-elle pas de force Pétion au château ? — Cela est faux ; les gardes nationaux ont été pleins de déférence et de respect pour le maire de Paris. Moi-même je l’ai salué en partant. » Au milieu de ces interrogations, on dépose sur la table du conseil général une lettre de Mandat au commandant du poste de l’hôtel de ville. On en demande la lecture. Mandat ordonnait au bataillon de service de dissiper l’attroupement qui se portait au château en l’attaquant en flanc et par derrière. Cette lettre est l’arrêt de mort de Mandat. Le conseil ordonne qu’il soit conduit à l’Abbaye. Le président, en donnant cet ordre, fait un geste horizontal qui en explique le sens. Un coup de pistolet abat l’infortuné commandant sur les marches de l’hôtel de ville. Les piques et les sabres l’achèvent. Son fils, qui l’attendait sur le perron, se précipite sur le cadavre de son père et le dispute en vain aux meurtriers. Le corps de Mandat, lancé dans la Seine, fait disparaître l’ordre de Pétion.

On a accusé du crime celui dans l’intérêt de qui le crime était commis. L’histoire, sévère pour la duplicité d’esprit de Pétion, n’a jamais pris sa main dans le sang. Il servait la Révolution par des faiblesses, par des complicités morales, jamais par l’assassinat. L’ordre de tirer sur le peuple, si on l’eût retrouvé, accusait la municipalité tout entière ; la mort de Mandat anéantissait le seul témoignage. Cette mort par des mains inconnues n’accusa personne, et le flot de la Seine couvrit la responsabilité de la municipa-