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et par leurs paroles, la confiance qu’elles n’avaient pas encore perdue. La présence de ces deux princesses errantes, la nuit, dans ce palais au milieu des armes : l’une, reine et mère, tremblante à la fois pour son mari et pour ses enfants ; l’autre, sœur dévouée, tremblante pour son frère, toutes deux insensibles à leurs propres périls, était le plus éloquent appel à la compassion, à la générosité, au courage des défenseurs du château.

Marie-Antoinette, que les pamphlets de ses ennemis ont représentée dans cette nuit suprême comme une furie couronnée poussant l’exaltation jusqu’au délire, l’abattement jusqu’aux larmes, tantôt déclarant qu’elle se ferait clouer aux murs de son palais, tantôt présentant des pistolets au roi pour lui conseiller le suicide, n’eut ni ces emportements ni ces faiblesses. Elle fut avec dignité et avec naturel, sans héroïsme affecté comme sans abattement timide, ce que son sexe, son rang, sa qualité d’épouse, de mère, de reine, voulaient qu’elle fût dans un moment où tous les sentiments que ces titres divers devaient agiter en elle se traduisaient dans son attitude. Au niveau de toutes ses tendresses, de toutes ses grandeurs, de toutes ses catastrophes, son âme, sa physionomie, ses paroles, ses actes reflétèrent fidèlement toutes les phases du trône à la captivité qu’elle eut à traverser dans ces longues heures. Elle fut femme, mère, épouse, reine menacée ou atteinte dans tous ses sentiments. Elle craignit, elle espéra, elle désespéra, elle se rassura tour à tour. Mais elle espéra sans ivresse et se découragea sans avilissement. Les forces et les tendresses de son âme furent égales aux coups de la destinée. Elle pleura non de faiblesse, mais d’amour ; elle s’attendrit, mais sur ses enfants ; elle voila ses angoisses et sa douleur du respect