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précaution. La plupart n’avaient pour défense que leur épée et des pistolets à leur ceinture. Quelques officiers civils de la maison du roi, qui s’étaient joints à cette troupe, s’étaient armés à la hâte de chenets et de pincettes arrachés aux foyers des appartements. Ces armes étaient ennoblies par le courage désespéré des serviteurs qui les saisissaient pour défendre la demeure de leur souverain.

M. d’Hervilly fit passer en revue par le roi et par la reine ces deux compagnies rangées en haie dans les salles. La famille royale, plus touchée de l’attachement de cette noblesse qu’effrayée de son petit nombre, adressa des paroles de reconnaissance à ces loyaux officiers. Quelques mots énergiques de Marie-Antoinette, la dignité de son geste, l’assurance de son regard, électrisèrent tellement cette poignée de braves, qu’ils tirèrent leurs épées, et chargèrent spontanément leurs armes sans autre commandement qu’un élan unanime et martial. Ce geste était un serment. La victoire était dans leur attitude. Quelques grenadiers de la garde nationale se confondirent dans leurs rangs, pour montrer la confiance mutuelle et l’unité de dévouement qui animaient tous les amis du roi sans distinction d’armes.

La masse des gardes nationaux répandus dans les appartements et dans les cours murmura de cette manifestation royaliste, et affecta de voir une conspiration dans cette fidélité. On demanda l’éloignement de ces gentilshommes. La reine, se plaçant à la porte de la chambre du Conseil, entre eux et la garde nationale, résista avec fermeté à cette demande d’expulsion des derniers et des plus fidèles amis du roi : « Voyez, messieurs, dit-elle à la garde nationale en montrant du geste la colonne des royalistes, ce sont nos amis et les vôtres ! Ils viennent partager vos dangers, ils ne