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nelle récemment licenciée par le décret de l’Assemblée, mais conservant leurs armes sous la main, leur serment dans leur cœur. C’étaient ensuite quelques jeunes royalistes de Paris, qui, à l’âge où la générosité fait l’opinion, s’étaient épris des larmes de la reine, des vertus de sa sœur, de l’innocence des enfants, des supplices de la royauté, et qui trouvaient glorieux de se ranger du parti des faibles. André Chénier, Champcenetz, Suleau, Richer-Serizy, tous les écrivains royalistes et constitutionnels quittaient tour à tour l’épée pour la plume, la plume pour l’épée. Ils étaient là. C’étaient aussi quelques fidèles serviteurs de la domesticité du château attachés à la cour de père en fils, pour qui le foyer du roi était, pour ainsi dire, leur propre foyer ; vieillards venus de Versailles, de Fontainebleau, de Compiègne, à la nouvelle des périls de leur maître. Quelques-uns menaient avec eux leurs enfants élevés dans les pages, qui avaient à peine la force de porter une arme. Mais ces familles inféodées par des bienfaits à la royauté s’offraient tout entières à leur maître, sans se réserver ni la vieillesse ni l’enfance, prêtes à tout rendre au trône de qui elles tenaient tout. Enfin c’étaient environ deux cents gentilshommes de Paris ou des provinces, la plupart braves officiers retirés récemment de leur régiment, et qui n’avaient voulu ni trahir leur caste en marchant contre leurs frères émigrés, ni trahir la nation en émigrant. Accourus de leurs provinces pour offrir leurs bras au roi, ils représentaient à eux seuls tout ce qui restait en France de cette noblesse militaire qui était allée porter son camp à l’étranger. Placés entre leur conscience qui leur défendait de combattre la patrie, le peuple qui les suspectait, et la cour qui leur reprochait leur fidélité au sol, ces gentilshommes faisaient