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aimait à descendre. Dans ces chambres étroites d’où ses regards n’apercevaient que les cimes des arbres des Tuileries et des Champs-Élysées, au milieu de ses livres d’histoire et de voyage, de ses cartes de géographie ou des outils de son atelier, il aimait à se faire illusion sur sa condition. Il ne se souvenait plus qu’il était roi ; il se croyait un homme vulgairement heureux, entouré de sa femme, de ses enfants et des instruments de son métier quotidien. Il dérobait aux soucis du trône ces heures d’obscurité et de paix. Il abdiquait un moment le rang suprême. Il croyait que la destinée l’oubliait, parce qu’il oubliait la destinée.


XVI

Toute cette partie du palais, ainsi que la galerie des Carrache, la salle du Conseil, la chambre du Lit, les salles des Gardes, le théâtre, la chapelle, était devenue une place d’armes couverte de fusils en faisceaux, de postes militaires et de groupes d’hommes armés. Les uns, assis en silence sur les banquettes, s’assoupissaient, leurs fusils entre leurs jambes ; les autres étaient étendus, enveloppés dans leurs manteaux, sur le parquet des salles ; le plus grand nombre, se formant en groupes dans les embrasures des fenêtres et sur les larges balcons du château éclairés par la lune, s’entretenaient à voix basse des préparatifs de l’attaque et des hasards de la nuit. De minute en minute, Mandat, commandant général, et ses aides de camp passaient des jardins