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rassemblements. Les Suisses se rangèrent en bataille comme des murailles d’hommes. Le bruit des cloches s’étant ralenti et les espions disant que les rassemblements avaient peine à se former et que le tocsin ne rendait pas, la reine et Madame Élisabeth allèrent se reposer toutes vêtues sur un canapé dans un cabinet des entre-sols, dont les fenêtres ouvraient sur la cour du château. Le roi, sollicité par la reine de revêtir le gilet plastronné qu’elle lui avait fait préparer, s’y refusa avec noblesse. « Cela est bon, lui dit-il, pour me préserver du poignard ou de la balle d’un assassin un jour de cérémonie ; mais dans un jour de combat où tout mon parti expose sa vie pour le trône et pour moi, il y aurait de la lâcheté à moi à ne pas m’exposer autant que nos amis. »

Le roi rentré dans son appartement et enfermé avec son confesseur, l’abbé Hébert, pour purifier son âme et pour offrir son sang, les princesses restèrent seules avec leurs femmes. Madame Élisabeth, en ôtant son fichu de ses épaules avant de se coucher sur le canapé, détacha de son sein une agrafe en cornaline sur laquelle la pieuse princesse avait fait graver : Oubli des offenses, pardon des injures. « Je crains bien, dit-elle en souriant mélancoliquement, que cette maxime ne soit une vérité que pour nous. Mais elle n’en est pas moins un divin précepte, et elle ne doit pas nous être moins sacrée. » La reine fit asseoir à ses pieds celle de ses femmes qu’elle aimait le plus. Les deux princesses ne pouvaient dormir. Elles s’entretenaient douloureusement à voix basse de l’horreur de leur situation et de leurs craintes pour les jours du roi. À chaque instant l’une d’elles se levait, s’approchait de la fenêtre, regardait, écoutait les mouvements, les bruits sourds, et jusqu’au