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Trois armées de reptiles et d’insectes venimeux se meuvent et rampent dans votre propre sein. L’une est composée de libellistes à gages et de calomniateurs soudoyés ; ils s’efforcent d’armer les deux pouvoirs l’un contre l’autre en leur inspirant de mutuelles défiances. L’autre armée, aussi dangereuse sans doute, est celle des prêtres séditieux, qui sentent que leur Dieu s’en va, que leur puissance s’écroule avec leur prestige, et qui, pour retenir leur empire, appellent la vengeance, que la religion défend, et prescrivent comme des vertus tous les crimes ! La troisième est celle de ces financiers avides, de ces agioteurs, qui ne peuvent s’enrichir que de notre ruine ; pour leurs spéculations égoïstes, la prospérité nationale serait leur mort, notre mort serait leur vie ! Ils sont semblables à ces animaux carnassiers qui attendent l’issue des combats pour dévorer les cadavres restés sur le champ de bataille. (On applaudit.)

» Ils savent que vos préparatifs de défense sont ruineux ; ils comptent sur le discrédit de votre trésor, sur la rareté du numéraire. Ils comptent sur la lassitude de ces citoyens qui ont abandonné femmes, enfants, pour voler aux frontières, et qui les abandonneront pendant que des millions, artificieusement semés à l’intérieur, susciteront des insurrections où le peuple, armé par le délire, détruira lui-même ses droits en croyant les défendre. Alors, l’empereur fera avancer une armée formidable pour vous donner des fers. Voilà la guerre qu’on vous fait, voilà celle qu’on vous veut faire. (On applaudit longtemps.)

» Le peuple a juré de maintenir la constitution, parce qu’il sent en elle son honneur et sa liberté ; mais si vous le laissez dans un état d’immobilité inquiète, qui use ses forces