Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 10.djvu/349

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

revint aussi, embrassa sa femme et s’endormit quelques instants. Il ressortit avant le jour. Le matin on entendit le canon. À ce bruit, madame Danton pâlit, se laisse glisser sur le plancher et s’évanouit. Les femmes se troublent, éclatent en reproches, et s’écrient que c’est Camille Desmoulins avec sa plume et ses idées qui est la cause de tout. On entend des pleurs, des cris, des gémissements dans la rue. On croyait tout Paris inondé de sang. Camille Desmoulins rentra et dit à Lucile que la première tête qu’il avait vue rouler était celle de Suleau. Suleau était écrivain comme Camille ; ses crimes étaient ses opinions et son talent. Ce présage fit pâlir et pleurer Lucile.


VII

Pendant cette même nuit, aux mêmes heures, à peu de distance de la maison de Danton, ces mêmes tintements de tocsin portaient la terreur et la mort à l’oreille d’autres femmes qui veillaient, qui priaient et qui pleuraient aussi sur les dangers de leur mari, de leur frère, de leurs enfants.

La reine et Madame Élisabeth écoutaient du haut des balcons des Tuileries les rumeurs croissantes ou décroissantes des rues de Paris. Leur cœur se comprimait ou se dilatait, selon que ce symptôme de l’agitation de la capitale leur apportait de loin l’espérance ou la consternation. À minuit, les cloches commencèrent à sonner le signal des