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d’avoir dirigé nos armées comme s’il eût été d’accord avec la maison d’Autriche ! Je l’accuse de n’avoir pas vaincu ! Je l’accuse d’avoir consumé le temps à faire rédiger et signer des pétitions à ses troupes ! Je l’accuse d’avoir aspiré à devenir le modérateur de la France ! Je l’accuse d’avoir abandonné son armée devant l’ennemi ! » Le décret d’accusation fut rejeté à une forte majorité.

En sortant de la séance, Vaublanc, insulté, poursuivi, frappé par le peuple, chercha un refuge dans un poste de la garde nationale. Déjà le peuple ne voulait plus des législateurs, mais des complaisants. Girardin et Dumolard subirent les mêmes outrages. Un fédéré pénétra avec Dumolard jusque dans le corps de garde, frappa comme un forcené sur la table, et déclara au courageux représentant que s’il retournait aux séances, il lui couperait la tête d’un coup de sabre. Ces faits, rapportés le lendemain à l’Assemblée, y soulevèrent l’indignation des constitutionnels, le sourire des Girondins, les huées des tribunes. Girardin déclara que la veille, en sortant de la séance, il avait été frappé ! « En quel endroit ? lui demanda-t-on avec un ricanement ironique. — On me demande en quel endroit j’ai été frappé ! reprit avec une spirituelle indignation Girardin. C’est par derrière. Les assassins ne frappent jamais autrement ! » Ce mot lui reconquit le respect. Le courage est la première des éloquences, car c’est l’éloquence du caractère. Girardin la possédait au plus haut degré. Élève de Rousseau à Ermenonville, il avait la saillie de Voltaire. Nul ne brava autant les passions brutales de la foule dans ces temps de fureur, et ne se fit pardonner plus d’audace par plus d’esprit.

Le même jour, douze hommes armés se présentèrent