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la Révolution, mais il veut l’impossible : des révolutions légales ! Si on ne violentait pas sa faiblesse, il n’y aurait jamais de résultat. »

Le lendemain, Barbaroux se laissa entraîner chez Robespierre. Le fougueux jeune homme du Midi fut frappé d’étonnement en entrant chez l’austère et froid philosophe. La personnalité de Robespierre, semblable à un culte qu’il se serait rendu à lui-même, respirait jusque dans les simples ornements de son modeste cabinet. C’était partout sa propre image reproduite par le crayon, par le pinceau ou par le ciseau. Robespierre ne s’avança pas au delà des réflexions générales sur la marche de la Révolution, sur l’accélération que les Jacobins et lui avaient imprimée à ses mouvements, sur l’imminence d’une crise prochaine, et sur l’urgence de donner un centre, une âme, un chef à cette crise, en investissant un homme d’une omnipotence populaire. « Nous ne voulons pas plus d’un dictateur que d’un roi, » répondit brusquement Rebecqui. On se sépara. Panis accompagna les jeunes Marseillais, et dit à Rebecqui en lui serrant la main : « Vous avez mal compris ; il ne s’agissait que d’une autorité momentanée et insurrectionnelle pour diriger et sauver le peuple, et nullement d’une dictature. Robespierre est bien cet homme du peuple. »

Excepté cette conversation, provoquée par les amis de Robespierre, à son insu, et acceptée par les chefs marseillais, rien n’indique dans Robespierre l’ambition prématurée de la dictature, ni même aucune participation directe au mouvement du 10 août. La république était pour lui une perspective reléguée dans un lointain presque idéal ; la régence lui présageait un règne de faiblesse et de troubles civils ; le duc d’Orléans lui répugnait comme une intrigue