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dans le jardin, comme si on eût craint une invasion. Le bataillon des Filles-Saint-Thomas prit spontanément les armes pour voler au secours des grenadiers. D’autres bataillons les imitèrent, se postèrent sur les boulevards et voulurent se porter, pour demander vengeance, à la caserne des Marseillais. Pétion accourut à la caserne, délivra quelques prisonniers, contint la garde nationale et rétablit l’ordre.

Pendant ce tumulte, les royalistes fugitifs reçurent asile par le pont tournant dans le jardin des Tuileries, et les blessés furent transportés au poste de la garde nationale du château. Le roi, la reine, les femmes de la cour, les gentilshommes rassemblés autour d’eux par le bruit du danger, descendirent au poste, pansèrent de leurs propres mains les blessures de leurs défenseurs, et se répandirent en expressions d’intérêt pour la garde nationale, d’indignation contre les Marseillais. Regnaud de Saint-Jean d’Angely fut du nombre des blessés. Le soir, le soulèvement de l’opinion publique contre les Marseillais était général dans la bourgeoisie. À la séance de l’Assemblée du lendemain, de nombreuses pétitions demandèrent leur éloignement. Les tribunes huèrent les pétitionnaires. Merlin demanda l’ordre du jour. Montaut accusa les chevaliers du poignard. Gaston vit là une provocation de la cour pour commencer la guerre civile. Grangeneuve dénonça les projets de vengeance médités par la garde nationale. Les autres députés girondins éludèrent avec dédain la demande d’éloigner les Marseillais, et sourirent à ces préludes de violences.

La cour, intimidée par ces symptômes, chercha à s’assurer des chefs de cette troupe par les corruptions au moyen desquelles elle croyait s’être attaché Danton. Mais si on corrompt aisément l’intrigue, on ne corrompt pas le fanatisme.