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vouement, ni général. Dans six semaines les Autrichiens seront à Paris ! »

On déroula des cartes, on étudia les positions, les lignes des fleuves, les escarpements des montagnes, les défilés qui pouvaient présenter les obstacles les plus infranchissables à l’invasion de l’étranger. On dessina des camps de réserve destinés à couvrir successivement les lignes secondaires, quand les principales seraient forcées. Enfin on résolut de presser l’arrivée des bataillons de Marseille pour exécuter le décret du camp sous Paris, et pour prévenir par une insurrection décisive l’effet des trames de la cour. Il fut convenu que Pétion, nécessaire au mouvement projeté par l’ascendant de son nom et nécessaire à la mairie pour paralyser toute résistance de la municipalité et de la garde nationale au complot, garderait ce rôle de neutralité légale et hypocrite si utile aux projets des agitateurs. Barbaroux, dînant chez lui quelques jours après, lui dit tout haut qu’il ne tarderait pas à être prisonnier dans sa maison. Pétion comprit et sourit. Sa femme feignit de s’alarmer. « Tranquillisez-vous, madame, reprit Barbaroux ; si nous enchaînons Pétion, ce sera auprès de vous et avec des rubans tricolores. »

Carra avertit également Pétion qu’on le mettrait en règle avec ses devoirs officiels de maire, en lui donnant une garde de sûreté qui lui ferait un semblant de violence et qui l’empêcherait d’agir au moment de l’insurrection. Pétion accepta tellement ce rôle dans cette comédie de légalité, qu’il se plaignit après l’événement de ce que les conjurés avaient tardé de le faire arrêter, et qu’il envoya plusieurs fois lui-même presser l’arrivée des détachements d’insurgés qui devaient simuler son arrestation. Madame Roland fut l’âme,