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cises l’escortaient. Un peuple immense entourait l’autel de la patrie. Les cris de : « Vive Pétion ! » insultèrent le roi à son passage. La reine tremblait pour les jours de son mari. Le roi marcha à la gauche du président de l’Assemblée vers l’autel à travers la foule. La reine, inquiète, le suivait des yeux, croyant à chaque instant le voir immoler par les milliers de baïonnettes et de piques sous lesquelles il avait à passer. Ces minutes furent pour elle des siècles d’angoisses. Il y eut au pied de l’autel de la patrie un mouvement de confusion, produit par le flux et le reflux de la foule, dans lequel le roi disparut. La reine le crut frappé et poussa un cri d’horreur. Le roi reparut. Il prêta le serment civique. Les députés qui l’entouraient l’invitèrent à mettre le feu de sa propre main à un trophée expiatoire qui réunissait tous les symboles de la féodalité, pour le réduire en cendres. La dignité du roi se souleva contre le rôle qu’on voulait lui imposer. Il s’y refusa en disant que la féodalité était détruite en France par la constitution mieux que par le feu. Les députés Gensonné, Jean Debry, Garreau et Antonelle allumèrent seuls le bûcher aux applaudissements du peuple. Le roi rejoignit la reine et rentra dans son palais à travers un peuple taciturne. Les dangers de cette journée évanouis lui en laissaient envisager de plus terribles. Il n’avait gagné qu’un jour.